"L'intérieur caché métamorphosera complètement l'extérieur apparent."
Saint Grégoire de Nysse

7.12.07

Pourquoi Dieu a-t-il choisit que l'homme soit libre et puisse faire le mal ?

Nombreux sont ceux qui, avec raison, ce sont posés la question suivante:

Si Dieu existe et qu'il a crée le monde, pourquoi a-t-il choisit que l'homme soit libre et puisse faire le mal ?

Voici une réflexion très intéressante qui donne des éléments de réponse très concrets à mon sens. L'auteur distingue deux état possible de la création, l'état de terme (l'homme déja en Dieu) et l'état de voie (l'homme en chemin vers Dieu).


" Dieu pouvait faire de rien un univers composé de créatures spirituelles comme les anges, de créatures corporelles comme le monde, de créatures mixtes comme l’homme et le revêtir de sa grâce pour en faire une habitation de surcroît où il serait éternellement connu et aimé.
Dieu pouvait obtenir cela en créant le monde dans l’état de terme.
Pourquoi l’a-t-il créé dans l’état de voie ?

L’état de voie rend possible l’amour de préférence de la créature pour Dieu

L’état de voie rend possible un choix, et donc un amour de préférence de la créature pour Dieu.
Toute la Bible raconte l’histoire d’un Dieu qui s’offre à sa créature et qui n’a qu’un désir être préféré par elle aux autres réalités crées.

Dans l’état de terme les créatures sont fixées immuablement dans l’amour de l’Absolu, ils le voient à découvert. L’amour béatifique n’est pas libre au sens de pouvoir agir ou ne pas agir, au sens de choisir ceci ou cela. Pourtant cet amour béatifique n’est pas contraint
Il est souverainement volontaire. Il est libre éminemment Il est super libre.

L’acte libre formellement est celui que la volonté produit dans l’indifférence (dominatrice), d’une manière contingente, sans aucune nécessité, en sorte qu’elle pourrait ne pas le produire : voilà ce que nous entendons communément par acte libre.
L’acte libre éminemment est celui de la volonté produit par une nécessité, venant non pas de quelque contrainte ou de quelque limitation de sa puissance, mais de l’infinité d’un bien qui remplit l’ampleur universelle de son désir. (Jean de saint Thomas, in Primam Secundae,
qu.6. ; disp. 3, a. 2., N°13 ; Vivès, t .V, p. 370. )

Dans l’état de voie, les anges et les hommes connaissent l’Absolu, non pas dans la clarté de la vision, mais seulement dans la nuit de la foi. Il faut choisir pour ou contre lui.
Avant le temps de la vision, « ce n’est pas par nécessité que la volonté adhère à Dieu et aux choses de Dieu ; Tandis qu’au contraire, c’est par nécessité que celui qui voit Dieu par essence adhère à lui. » (saint Thomas d’Aquin S.T. I. qu.82.a.2.)

Choisir ici-bas pour l’absolu c’est renoncer immédiatement à certains biens particuliers :
« nul ne peut servir deux maîtres… Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon » Mt 6,24
« Si quelqu’un veut venir après loi, qu’il se renonce lui-même… » Mt 16,24

Le Bien dont nous savons qu’il est l’Absolu, ne se présente à nous provisoirement, dans l’état de voie, que comme un bien relatif, qu’on ne peut choisir sans renoncer à d’autres biens relatifs.
Le Bien Absolu se dissimule sous les apparences d’un bien limité, comme le Christ sous les espèces eucharistiques.

Dieu semble agir avec nous comme un roi qui, pour savoir s’il est aimé pour lui-même ou pour ses richesses se cache sous des habits de mendiant.
On retrouve le thème du Christ pèlerin, thème qui a tant ému le Moyen-Age.
« j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger,
j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire
j’étais nu et vous m’avez vêtu… » (Mt 25,35)

Le mystère de l’état de voie est le mystère d’un état où Dieu va mendier de ses créatures un amour de préférence.

L’état de voie permet la révolte de la créature

  • Dieu supplie qu’on le préfère mais il permet qu’on l’offense
  • Dieu peut être définitivement préféré c’est l’histoire du Bon larron, qui entre au dernier moment dans le paradis Luc 23,43
  • Dieu peut être définitivement offensé c’est l’histoire de l’homme pour qui il eût mieux valu ne pas être né Mt 24,26

Pour le premier, l’état de terme est éternellement une victoire de l’amour.
Pour le deuxième cas, l’état de terme sera éternellement un refus de l’amour.

Le respect de Dieu pour la liberté de sa créature nous apparaît ainsi comme infini :
c’est le respect de l’Etre infini pour la personne créée.

Un monde avec le mal peut être meilleur au total qu’un monde sans le mal.

Dieu pouvait créer un monde où le mal n’aurait pas eu de prises
Il pouvait créer une sphère de cristal,
Il pouvait créer d’emblée le monde des anges et des hommes dans la lumière béatifique.
Mais Dieu ne pouvait pas demander de ses créatures
un amour de préférence, une fidélité dans le temps des plus grandes épreuves et des pires triomphes du mal, sans souffrir que se produisent les plus grandes épreuves
et les pires triomphes du mal

Dieu ne pouvait-il pas attirer les anges et les hommes dans l’état de voie par une motion irrésistible de la grâce qui inclue la force d’accomplir l’acte (la grâce opérante) où l’on n’a pas à délibérer mais seulement à consentir ?
Ou ne pourrait-il pas convertir les hommes au dernier moment comme il a terrassé Saint Paul sur le chemin de Damas ?

Dieu peut transférer les créatures dans la béatitude par une motion spéciale de sa grâce opérante, alors pourquoi permet-il l’impénitence finale ?
Quelque innombrables que soient ces interventions, elles sont l’exception et leur mode est extraordinaire.

La loi normale de la grâce est d’être donné aux créatures en tenant compte du régime exigé par leur nature d’êtres libres, en laissant non seulement la liberté de consentir au bien, mais encore celle de choisir entre le bien et le mal, de préférer le bien au mal.
Dieu attendra d’être librement préféré par sa créature ange ou homme. Mais alors il faut qu’il accepte d’être librement rejeté par sa créature ange ou homme.
Il tient tant à ce libre amour de préférence qu’il passe dessus le risque d’être refusé .

Un monde ou le refus des uns est compensé par la libre préférence des autres est mystérieux, mais il est bon.

Un monde avec le mal peut être meilleur au total qu’un monde sans le mal, parce quil peut susciter des fidélités, des repentirs, des amours qu’ignorerait éternellement un monde qui ne serait pas balayé par les grandes tempêtes.

Ce n’est pas seulement la pureté de saint Jean, ce sont aussi les larmes de sainte Marie-Madeleine qui sont meilleures que l’innocence des petits enfants.

Saint François de Sales dira :
« la Rédemption de Notre Seigneur, touchant nos misères, les rend plus utiles et aimables que n’eut jamais été l’innocence originelle » (Traité de l’amour de Dieu, Livre II, chap. V.)

Dieu a choisi de créer un monde doté de la liberté de le rejeter parce que cette liberté implique également la possibilité donnée à une créature le pouvoir de se déclarer librement pour lui, de l'aimer par préférence à d'autres biens apparents.

Les hommes désirent également être aimé par amour et non pas intérêt (argent, pouvoir, sexe).
Un mode peuplé d'automates programmés pour aimer Dieu est il meilleur qu'un monde d'hommes dotés de la liberté de choisir ?
Préférons - nous un droïde disant je t'aime ou une femme libre prenant la décision libre de nous aimer ?

  • Dieu se présente à nous comme un homme puissant et riche qui veut être aimé pour lui même, pour ses qualités et non pour son pouvoir ou son argent.
  • Dieu se cache sous l'apparence de notre prochain, de ceux avec lesquels nous vivons tous les jours et il voit comment nous nous comportons avec eux.

  • Si nous aimons et sommes bons avec notre prochain, nous aimons Jésus.
  • Si nous nous comportons avec amour, nous serons revêtus de la jouissance éternelle de la vision béatifique pour l'éternité, mais si nous choisissons le mal nous recevrons ce que nous avons semé, nous recevrons la haine éternelle et le mal éternel.

L' Enfer et le Paradis n'existent que du point de vue de l'homme, ils n'existent pas du côté de Dieu, Lequel est parfait et n'implique donc que du bonheur et de la jouissance, rien de mauvais, d 'imparfait, de douloureux ne peut exister en Dieu car ce serait un défaut pour lui.

De même le soleil ne contient pas de ténèbres, mais illumine tout, un obstacle cause de l'ombre, ce n'est pas le soleil qui cause l'ombre.

Dieu n'est qu'Amour et fait tout par amour.
Nous avons la possibilité de rejeter Dieu, ce rejet est respecté et permis par Lui ce rejet constitue le mal et la souffrance éternelle.

Après la mort nous sommes plongés en Dieu, et nous sortons de la création matérielle
pour être plongé dans le monde purement spirituel.

Dieu est alors accueilli par notre sensibilité, par notre personnalité, par notre être selon la disposition de notre volonté;

  • ceux qui ont une volonté attachée au Bien jouissent
  • ceux qui ont une volonté attachée au Mal souffrent

  • ceux qui ont une volonté attachée au Bien mais qui ont encore des tâches, de la rouille ou des cicatrices du péché, souffrent de manière temporaire pour se purifier, non pas de leur volonté mauvaise, car la volonté ne peut changer que pendant la vie sur terre, mais pour se purifier des tâches causées par les actes commis alors qu'ils s'étaient attachés au mal. "

Cardinal Charles Journet ( L'Eglise du Verbe Incarné, Tome III, p.101-102)